Smileys, émoticônes et émojis : les enjeux pragmatiques et sémiotiques
Que ce soit dans le monde professionnel ou dans les conversations informelles, les smileys, les émoticônes et les émojis sont devenus un outil de communication important. Ils servent à mettre en valeur un texte ou à montrer ses émotions derrière l’écran. Dans cet article, vous allez trouver les résultats des études pragmatiques et sémiotiques de ces icônes.
Historique des termes
Les smileys ont été découverts en 1963 par Harvey Ball. C’est un terme anglais qui désigne les petits visages souriants de forme ronde. Ils ont été intégrés sur les supports numériques en forme d’icônes 10 ans plus tard. En effet, les étudiants dans les universités américaines s’en servaient pour mieux exprimer leurs émotions dans les tchats vers les années 70.
En 1982, les émoticônes 🙂 et 🙁 ont été apparus pour la première fois dans un courriel écrit par un universitaire destiné à l’université Carnegie-Mellon. Ces deux symboles ont été définis comme des caractères de la banque ASCII sans que le terme « émoticônes » n’ait été encore évoqué. Les internautes les ont utilisés dans leurs conversations vers les années 90 et les ont considérés comme des smileys. Dès lors, on les a qualifiés comme des « icônes occidentales », tandis que ceux qui sont lisibles sans qu’on penche la tête vers la gauche comme ^_^ ont été qualifié d’« icônes orientales ». Ce n’est qu’en 1995 que le terme « émoticône » a réellement pris place et est encore utilisé jusqu’à nos jours.
Les émojis ont été initiés par un japonais entre 1995 et 2000. Ce terme provient de la contraction de « e », « image » et « moji », un mot japonais qui signifie « caractère ». Ce sont des icônes qui se présentent sous forme de visages, d’objets et des parties du corps. La première version a été officiellement apparue dans le monde des TICs en 2013.
Modélisation théorique des smileys, émoticônes et émojis
Le célèbre linguiste Bally a initié le concept de modélisation. Il s’agit de la combinaison de la dimension logique et subjective des énoncés. Autrement dit, ces derniers prennent du sens lorsque la subjectivité est portée sur des représentations logiques. Par exemple, dans la phrase « le chat est dans le jardin » peut être perçue de différentes façons en ajoutant des émoticônes à la fin. D’une part, si on ajoute , le lecteur peut en déduire que l’auteur est content de voir le chat dans le jardin. D’autre part, si la phrase contient , cela veut dire que l’auteur n’apprécie pas le fait que le chat soit dans le jardin. Ainsi, les smileys, les émoticônes et les émojis sont définis comme des modélisateurs au même titre que les interjections ou les adverbes d’énonciation.
Catégorisation des smileys, émoticônes et émojis
En modélisation, ces icônes peuvent être catégorisées en 4 grandes parties :
– les icônes positives qui se différencient par la variation du coin de bouche relevée
– les icônes négatives qui se démarquent par des bouches déformées aux coins tombants
– les icônes de surprise qui se caractérisent par des yeux arrondis
– les icônes relationnelles qui servent à exprimer son accord ou son désaccord à son interlocuteur.
Cependant, certaines icônes ne se présentent pas sous forme de visage comme le cœur ou le pouce, mais font partie de ces catégories.
Fonctions des smileys, émoticônes et émojis
Tous les smileys funs, ceux qui expriment des émotions positives ou négatives, etc. se subdivisent en trois grandes visées :
– La visée de contenu qui prend sa place dans un énoncé comme décrit auparavant.
– La visée pragmatique qui s’utilise pour construire une relation de qualité avec l’interlocuteur sans que le sens de la phrase ne soit modifié. Par exemple, dans la phrase « Bonjour », le smiley positif ne signifie pas que le locuteur est ravi, mais il veut tout simplement faire bonne impression face à son interlocuteur.
– La visée énonciative qui consiste à décrire la forme ou l’aspect de l’énoncé. D’une part, cela peut se présenter sous forme de pictogramme iconique. Par exemple, l’interlocuteur peut écrire « tu es en train de briser mon <3 » au lieu de « tu es en train de briser mon cœur ». D’autre part, il existe les pictogrammes indexicaux qui démontrent l’émotion des deux parties. Par exemple, le locuteur vient de se rendre compte de sa faute de frappe en ajoutant 😀 dans la version corrigée. Ainsi, il fait le monologue pour viser son propre énoncé. Il se peut aussi que ce soit l’interlocuteur qui vise la forme de l’énoncé de l’autre (dialogique).
Quoi qu’il en soit, il est possible de combiner ces trois fonctions pour obtenir des interprétations différentes. Pour montrer l’empathie, par exemple, on peut utiliser les icônes négatives dans un dialogue à une visée de contenu.